Carrie, l’éternelle adolescente – Acte 2

Acte 3 (à venir) >


C’est moi qui revins vers elle. Par faiblesse évidemment ; par curiosité aussi, comme d’habitude. La luxure n’a jamais été une raison suffisante pour m’infliger les ennuis d’une relation réchauffée. Mais la curiosité des femmes est toujours mon moteur profond. Après notre brusque rupture, avait-elle pu se remettre en question ? L’électrochoc d’avoir perdu Christian Grey était-il suffisant ?

Je repris contact avec elle par la meilleure technique qui soit : un cadeau, envoyé out of the blue sans aucune explication ni même expéditeur. Un simple t-shirt à message qui, j’en étais sûr, lui permettrait de m’identifier et raviverait en elle les quelques ancres que j’avais posées.

Cela prit plus de temps que je l’imaginais. Peut-être un mois. J’appris plus tard qu’elle était à ce moment-là vaguement en couple. Le cadeau ne manqua pas de la perturber et contribua à la fin de sa relation. Elle se décida enfin à m’envoyer un message, en utilisant un prétexte idiot. En quelques lignes, je pris conscience avec un certain désarroi que, non seulement elle n’avait pas grandi, mais qu’elle s’était définitivement moulée dans le costume de l’adolescente la plus capricieuse qui soit. J’aurais cessé toute interaction si je n’avais pas été seul sur mon canapé un mardi soir. Mais j’avais le temps, et ma curiosité me poussa à sonder la profondeur des abysses de ses enfantillages. Je ne fus pas déçu. Les impolitesses totalement feintes alternaient avec les simulations de naïveté, et elle enchainait, avec une maladresse grasse, la liste complète des techniques pour éviter de répondre à toute question. Bref, elle exprimait avec quinze ans de retard son penchant féminin à tenter de rendre un homme fou.

De mon côté je l’amenais, lentement mais sûrement, en slalomant entre ses idioties, à accepter pour nos retrouvailles un week-end dans une grande ville de province. Il me semblait en effet qu’un terrain neutre serait préférable : je n’avais envie ni de la faire venir chez moi, ni de retrouver son appart miteux.

Le week-end eut lieu, après qu’elle eut raté un premier train. Elle est de ces gens que le stress désorganise totalement, jusqu’à leur faire manquer le réveil. Nous commençâmes par aller poser nos affaires à l’hôtel, un cinq étoiles, que j’avais réservé sur Booking à un prix dérisoire, comme tous ces hôtels de luxe en dernière minute. C’était un bold move comme on dit, mais avec une telle ado il fallait malheureusement jouer la carte de l’iconique et du barbarisme. Pour lui montrer que je ne l’avais pas faite venir seulement pour la baiser, je ne lui sautai pas dessus immédiatement. Sa mine rassurée me conforta.

Nous partîmes pour une balade dans un grand parc. Un moyen de rester sur un registre simple, de mettre un peu de romantisme bucolique dans l’équation, bref de lui permettre de reconstruire un imaginaire. Elle me raconta comment elle avait meublé ces quelques mois, à base de séries et d’activités artistiques. Vu la liste des séries qu’elle avait pu ingurgiter en si peu de temps, le volet artistique avait dû être bien mince. Elle éluda bien entendu le sujet des hommes, ce qui m’arrangeait. Elle aurait menti de toute façon.

Nos échanges étaient plutôt agréables. Simples et convenus, certes, mais agréables. À l’opposé des échanges par écrit dont elle a le secret, où il n’est question que de conserver un prétendu pouvoir qu’elle n’a pourtant pas avec moi. Ils nous emmenèrent jusqu’au déjeuner, puis jusqu’à l’hôtel pour « nous reposer » avant notre activité de fin d’après-midi.

Une partie d’elle savait ce qui allait se passer une fois à l’hôtel. Elle l’avait accepté, en prenant le train ce matin-là, en répondant positivement à ma proposition de week-end, en envoyant son premier message même. Toutefois, elle parut hésitante à s’allonger sur le lit pour m’y rejoindre. Heureusement, c’était sa dernière barrière : elle accepta mes lèvres avec un vrai plaisir. Elle embrassait comme avant, avec une certaine maladresse qu’elle comblait par un ersatz de confiance en elle. Je pus enfin faire ce que j’attendais depuis plusieurs semaines : caresser son corps. Ses formes fines et imparfaites, ses seins comme deux poires irrégulières mais appétissantes, ses hanches fines et molles, ses fesses juste assez flasques pour pouvoir être saisies à pleines mains. J’aimais le corps de Carrie, dans toute sa beauté et son imperfection.

Nos retrouvailles sexuelles furent agréables. Je la remerciai évidemment d’avoir cédé à mes avances par un long cunnilingus qu’elle stoppa juste avant l’orgasme. Je la pris ensuite, lentement puis fermement, la laissant réapprivoiser peu à peu la sensation délicieuse de se faire baiser correctement. Je le voyais à sa façon de mordre sa lèvre inférieure, d’abord pour gérer un certain inconfort, puis progressivement par plaisir. Quand je jugeai qu’elle en avait eu assez, je terminai en la mettant à genou sur la moquette en offrande, et lui jouis dans la bouche. Comme par le passé, elle déglutit docilement en me regardant dans les yeux. Elle avait ce mélange de dévotion et de défi dans le regard. Je cassai immédiatement cette attitude provocatrice en l’embrassant à pleine bouche, pour lui rappeler qu’un rapport sexuel n’est jamais une bataille mais toujours un moment de partage et de complicité, même quand on avale le foutre de son partenaire.

Le reste du week-end fut très classique, entre activités culturelles et restaurants. Nous baisâmes évidemment de nouveau le soir. En rentrant du restau, je pris un plaisir immense à la contempler retirer la belle robe qu’elle avait pris soin d’emmener pour mes yeux (et ceux des autres évidemment, Carrie n’avait pas perdu son sens du spectacle, et avait volontairement porté cette robe trop habillée pour un simple samedi soir en ville). Je la plaquai contre le mur, encore en talons, les bras rassemblés au-dessus de sa tête, afin de réaliser la seconde chose qui me manquait depuis tant de semaines : m’occuper de son cul. Elle me confia, alors que je me complaisais dans son fondement, n’avoir été touchée que par un seul homme depuis notre histoire, et mal. C’était sans doute vrai, à l’exception bien sûr de deux ou trois exs rappelés en catastrophe les soirs de déprime.

Le weekend se termina comme il devait, par une dernière baise le matin avant de rendre les clés, un brunch au soleil et une exposition. Elle repartit à Paris et je restai vague sur notre prochaine rencontre. Ce shot de plaisir m’avait provisoirement suffi, et l’envie d’elle était désormais retombée à un niveau insuffisant pour que je puisse supporter ses gamineries.

Il faudrait qu’elle prenne son mal en patience.


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