Mélanie, redécouvrir ses sens – Acte 2

Acte 3 (à venir) >


Ce premier baiser avait été incontestablement une réussite. Toutefois, je sentis vite qu’il avait pris dans son esprit la forme d’une exception plutôt que de la règle.

Mélanie avait réussi à se préparer mentalement à mettre en pause les barrières naturelles féminines pour accepter cette étreinte, mais je restais encore un étranger à ses yeux. Après ce premier contact bien singulier, je repris donc un rythme beaucoup plus doux. La tenir par la main suffisait.

Nous trouvâmes un banc au milieu des allées du jardin, nous y installâmes, et tachâmes d’entamer une discussion normale en faisant comme si de rien n’était. Ce fut particulièrement poussif. Malgré une première minute plus intense que n’importe quelle première minute de n’importe quel date, ou peut-être à cause de cette première minute justement, Mélanie se retrancha confortablement dans l’inconfort de sa timidité habituelle, et je me retrouvai à ramer pour faire la conversation. Elle ne relançait pas dans les blancs, ce qui aurait dû être interprété dans n’importe quel autre cas comme le signe d’une absence d’attraction à mon égard, mais qui était ici seulement l’expression de sa gêne.

Nous prîmes donc le parti de critiquer les gens autour de nous, ce qui est une activité comme une autre pour permettre à une timide de reprendre confiance en elle. Au bout d’une demi-heure, je compris que si nous restions encore immobiles, tout cela nous mènerait droit à l’impasse. Je décidai donc d’user de l’une des vieilles techniques de drague que quelques geeks américains avaient popularisé dix ans auparavant, le bounce. Un terme à la con pour désigner le fait de changer d’endroit avec sa partenaire, ce qui crée toujours un semblant de confort et simule artificiellement une certaine connexion : on ne se déplace pas d’un endroit à un autre avec un inconnu.

Nous sortîmes donc du jardin pour trouver une terrasse de café accueillante, et je me débrouillai pour que cela se fasse dans la direction de mon hôtel. En effet, s’agissant de notre deuxième rendez-vous, en tout cas dans l’imaginaire que nous nous étions fixé, nous avions clairement établi dans nos échanges préalables que cette entrevue pourrait tout à fait se terminer en position horizontale si les instants passés ensemble confirmaient l’excellente impression que nous avions eue lors de notre fictif premier rendez-vous.

Nous trouvâmes peu après la terrasse ensoleillée, bûmes un verre, et la discussion prit enfin une tournure plus convenue. Elle commençait à se sentir à l’aise. C’est à la fin du verre qu’elle me surprit totalement.

Alors que nous nous approchions du fond de notre récipient, je lui proposai d’en reprendre un. Cela me paraissait naturel : elle venait de se décoincer, nous allions pouvoir bâtir un peu de confort, sans doute prolonger par un repas de début de soirée un peu frugal, et je lui proposerais alors de visiter ma chambre en guise de digestif. À ma stupéfaction, elle refusa le second verre.

Il me fallut quelques secondes pour comprendre. Mes réflexes me firent immédiatement penser qu’elle voulait partir, et j’étais en train de rembobiner chaque instant de l’heure et demie que nous venions de passer ensemble, comme un mourant revoit sa vie défiler, pour trouver le point sur lequel j’avais merdé. Mais je n’en trouvais aucun, et son regard finit de me faire comprendre : elle voulait en effet abréger ce moment, mais pour aller directement à mon hôtel. Le dialogue ressembla à ceci :

– On en reprend un ?

– Euh… je ne crois pas non.

Le rendez-vous défilait devant mes yeux à la recherche de mon erreur. En attendant, je meublai.

– Ah ? Tu ne veux pas continuer ?

Je vis son regard et compris enfin.

– On pourrait… continuer… ailleurs.

J’avais besoin qu’elle le dise, qu’elle verbalise son désir.

– Ah bon ? Mais ou ça ?

– Euh… je ne sais pas moi…

La violence qu’elle se faisait à vaincre sa timidité était touchante et, à vrai dire, plutôt impressionnante. Peu de femmes dans sa situation auraient eu le cran de tels raccourcis.

– Ah mais moi non plus, je ne vois pas du tout.

– Dans un endroit plus calme peut-être ?

– Oui pourquoi pas. Mais où exactement ?

– Eh bien… par exemple… à ton hôtel ?

Seul les hommes ayant déjà reçu une proposition directe savent l’effet qu’elle produit. Un mélange de shot d’endorphine, de fierté, de grandeur. On se sent comme le roi adoubant un chevalier qui, un genou au sol, lui promet son obéissance jusqu’à la mort. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’étais blasé de cette sensation, mais je dois reconnaître qu’elle me fit moins d’effet que les précédentes que j’avais vécues. La fierté se noya dans une tranquillité retrouvée : j’étais bien en terre conquise.

J’eus évidemment la politesse de réagir correctement à sa demande : en ne relevant pas sa témérité. La lui faire remarquer l’aurait mise mal à l’aise, peut-être même aurait-elle renoncé. Au contraire, je donnai immédiatement mon accord, sans aucune surprise dans la voix, et nous nous levâmes rapidement. Mon hôtel était à deux rues, c’était parfait.

Arrivés dans la chambre, après une marche de quelques minutes que nous vécûmes comme un chemin initiatique, je pus enfin la déshabiller.

Curieusement, je ne me souviens pas de toute la séance. Seulement du début et de la fin. Le début car la découverte de son corps fut surprenante. Elle était petite, plutôt menue, mais avait des hanches très larges pour sa taille, qu’elle camouflait intelligemment avec des vêtements adaptés. Disons-le, elle avait un gros cul. J’aime bien les gros culs de temps en temps. Pas à chaque fois évidemment, il faut bien varier les plaisirs. Mais une fois par-ci par-là, c’est agréable. Le sien avait une taille très particulière. Il n’était pas énorme, très loin des influenceuses métis d’aujourd’hui qui compactent leurs deux citernes dans d’horribles leggings. Mais il était quand même supérieur à la moyenne, surtout pour une fille de sa taille. En fait, Mélanie avait un cul juste un peu trop gros pour elle, qui donnait à son corps une singularité étonnante que je sus apprécier.

Dieu merci, je me suis débarrassé il y a très longtemps de mes obsessions en termes de plastique féminine. Moi, c’était les petites brunes minces et discrètes. Mais depuis au moins dix ans, j’avais compris que la beauté d’un corps de femme est bien plus complexe et peut résider dans des détails, des juxtapositions étonnantes, des singularités. Mélanie, ce n’était pas son cul, ses seins ou ses yeux. Sa beauté résidait précisément dans ses trop larges hanches, dans le galbe excessif de son fessier rebondi, qui contrastait avec le reste de son corps frêle. Un corps frêle qui correspondait beaucoup mieux à sa personnalité introvertie. C’est ça. Elle avait un corps d’introvertie mais un cul d’extravertie. Cela tombait bien, elle m’avait choisie pour révéler cet aspect de sa personnalité. Je m’en occupai donc.

Mes souvenirs sont flous, j’ai évidemment dû commencer par un long cunilingus pour la mettre à l’aise. Puis j’ai dû la prendre. Je ne sais plus si elle m’a sucé la première fois. Peut-être, mais timidement, elle était timide de la fellation.

Je me rappelle en revanche très nettement de la fin. Nos échanges épistolaires m’avaient permis de lui faire lister toutes les pratiques qu’elle souhaitait expérimenter. On y trouvait les grands classiques du genre : le BDSM soft, l’amour discret dans les lieux publics, les fessées, la levrette longue et violente qui la laisserait épuisée au sol, la sodomie (« mais pas tout de suite », bien entendu). Toutefois, l’une des pratiques qui l’attirait était plus rare : l’éjaculation faciale. La majorité des filles ne la pratiquent que pour flatter leur partenaire, même si elles clament que ça leur plaît. Une femme n’aime en général pas la faciale en elle-même, elle l’aime dans les yeux de son partenaire, si je puis le dire ainsi. Mélanie, elle, avait en tête ce fétichisme du sperme.

Après l’avoir suffisamment baisée, et il faut bien le reconnaître aussi parce que son corps m’excitait à n’en plus pouvoir, je lui demandai poliment comment elle souhaitait que j’explose. Je ne m’enquiers pas tout le temps ce genre de choses, il m’arrive de décider seul lorsque je sens les vibrations de ma partenaire. Mais là, c’était une reprise pour elle, et elle avait déjà eu beaucoup d’émotions en seulement quelques heures. Je me devais d’être courtois.

Avec la même timidité que lorsqu’elle avait refusé le second verre en terrasse, elle me répondit directement, de sa voix douce : « sur mon visage ». Je m’accomplis avec attention. Le spectacle fut perturbant : elle reçut ma semence sans dégoût mais sans expression de plaisir. Elle découvrait la sensation avec étonnement, comme une enfant qui voit tomber la neige pour la première fois.

Je savais que les minutes qui aillaient suivre seraient très importantes dans son esprit. La fin de cette séance marquait pour elle, encore allongée sur le lit le visage plein de foutre, la mise en route de son cerveau. Il fallait maintenant qu’elle ingurgite mentalement ce qu’elle venait de vivre, ce n’était pas le moment pour moi de la lâcher. Je la pris dans mes bras et nous restâmes de longues minutes immobiles sur ce lit. Le soleil était encore là, il se faufilait entre les rideaux que j’avais pris soin de tirer à notre arrivée.

Je finis par lui dire « c’était bien ». Elle acquiesça. Pour une première fois, c’est vrai que c’était bien. Mélanie était une élève étonnante et prometteuse.


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